Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[MA-372]

Ironie

L’ironie n’est à sa place que comme méthode pédagogique, de la part d’un maître dans ses relations avec des élèves de quelque sorte que ce soit: son but est l’humiliation, la confusion, mais de cette espèce salutaire qui éveille debonnes résolutions et qui revient à rendre à qui nous a ainsi traités du respect, de la gratitude, comme à un médecin. L’ironiste se donne un air d’ignorance, et cela si bien que les élèves qui s’entretiennent avec lui sont abusés, prennent assurance en la conviction de leur propre supériorité de savoir et donnent sur eux des prises de toute sorte; ils perdent, leur réserve et se montrent tels qu’ils sont — jusqu’à ce que, à un moment donné, la lumière qu’ils tenaient sous le nez de leur maître fasse tomber de façon fort humiliante ses rayons sur eux-mêmes. — Là où une relation pareille à celle de maître et d’élève n’a pas lieu, c’est un mauvais procédé, une affectation vulgaire. Tous les écrivains ironiques comptent sur cette sotte espèce d’hommes qui se sentent volontiers supérieurs à tous les autres avec l’auteur, qu’ils considèrent comme l’organe de leur prétention. — L’habitude de l’ironie comme celle du sarcasme corrompt d’ailleurs le moral, elle lui prête peu à peu le caractère d’une supériorité qui se plaît à nuire: on finit par ressembler à un chien hargneux, qui aurait, outre l’art de mordre, appris encore l’art de rire.