Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[MA-98]

Plaisir et instinct social

Par ses rapports avec d’autres hommes, l’homme acquiert une nouvelle espèce de plaisir, qui s’ajoute aux sentiments de plaisir qu’il tire de lui-même; par là il étend considérablement le domaine du plaisir en général. Peut-être bien des éléments qui rentrent dans ce genre lui sont-ils venus par héritage des animaux, lesquels éprouvent évidemment du plaisir quand ils jouent ensemble, par exemple là mère avec ses petits. D’autre part, qu’on réfléchisse aux rapports sexuels, qui font que toute femme presque paraît intéressante à tout homme en vue du plaisir, et réciproquement. Le sentiment de plaisir fondé sur les rapports humains fait en général l’homme meilleur; la joie commune, le plaisir pris ensemble sont accrus; ils donnent à l’individu de la sécurité, le rendent de meilleure humeur, dissolvent la méfiance, l’envie; car on se sent mieux soi-même et l’on voit les autres se sentir mieux pareillement. Les manifestations de plaisir similaires éveillent l’image de la sympathie, le sentiment d’être des semblables: c’est ce que font aussi les souffrances communes, les mêmes orages, les mêmes dangers, les mêmes ennemis. C’est là-dessus sans doute que se fonde la plus ancienne association: elle a le sens d’une délivrance et d’une protection commune contre un déplaisir qui menace, au profit de chaque individu. Et de cette façon l’instinct social naît du plaisir.