Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[JGB-56]

Celui qui, mû par une sorte de désir énigmatique, s’est,...

Celui qui, mû par une sorte de désir énigmatique, s’est, comme moi, longtemps efforcé de médi­ter le pessimisme jusque dans ses profondeurs, de délivrer celui-ci de son étroitesse et de sa niaise­rie mi-chrétienne, mi-allemande, car c’est sous cet aspect qu’il nous est apparu en dernier lieu durant ce siècle, je veux dire sous forme de philo­sophie schopenhauérienne. Celui qui a véritable­ment considéré une fois, sous tous ses aspects, avec un œil asiatique et superasiatique la pensée la plus négatrice qu’il y ait au monde — cette négation de l’univers par delà le bien et le mal, et non plus, comme chez Bouddha et Schopenhauer, sous le charme et l’illusion de la morale — celui-là s’est peut-être ouvert ainsi les yeux sans le vouloir précisé­ment, pour l’idéal contraire, pour l’idéal de l’homme le plus impétueux, le plus vivant, le plus affirmateur qu’il y ait sur la terre, de l’homme qui n’a pas seulement appris à s’accommoder de ce qui a été et de ce qui est, mais qui veut aussi que le même état de choses continue, tel qu’il a été et tel qu’il est, et cela pour toute éternité, criant sans cesse « bis », non seulement pour soi, mais pour la pièce tout entière, pour tout le spectacle, et non seule­ment pour un pareil spectacle, mais au fond pour celui qui a besoin de ce spectacle et le rend néces­saire, parce qu’il a toujours besoin de lui-même et qu’il se rend nécessaire. — Comment? Ceci ne serait-il pas — circulus vitiosus deus? —