[MA-143]
Ce n’est pas ce qu’est le saint, mais ce qu’il signifie...
Ce n’est pas ce qu’est le saint, mais ce qu’il signifie aux yeux du non saint, qui lui donne sa valeur dans l’histoire universelle. C’est parce qu’on se trompait sur lui, parce qu’on expliquait à faux ses états d’âme et qu’on le séparait de soi autant que possible, comme quelque chose d’absolument incomparable et d’étrangement surnaturel: c’est par là qu’il s’assura cette force extraordinaire avec laquelle il put s’imposer à l’imagination de peuples entiers, d’époques entières. Lui-même ne se connaissait point; lui-même entendait le livre de ses tendances, de ses inclinations, de ses actions, selon un art d’interprétation aussi affecté et aussi artificiel que l’interprétation pneumatique de la Bible. Ce qu’il y avait de contourné et de morbide dans sa nature, avec son amalgame de pauvreté d’esprit, de méchant savoir, de santé gâtée, de nerfs exaspérés, restait aussi caché à son regard qu’à celui de son spectateur. Il n’était pas un homme particulièrement bon, encore moins un homme particulièrement sage: mais il signifiait quelque chose qui dépassait la mesure humaine en bonté et en sagesse. La foi en lui soutenait la foi au divin et au merveilleux, à un sens religieux de toute existence, à un dernier jour de jugement qui était imminent. Dans l’éclat vespéral du soleil d’un monde finissant, qui rayonnait sur les peuples chrétiens, l’ombre du saint grandissait en des proportions énormes: et même jusqu’à une hauteur telle que même dans notre temps, qui ne croit plus en Dieu, il y a encore des penseurs qui croient aux saints.