[MA-148]
Le poète, allégeur de la vie
Les poètes, étant donné qu’eux aussi veulent alléger la vie à l’homme, détournent leur regard du présent pénible ou aident le présent à prendre, par une lueur qu’ils font briller du passé, des couleurs nouvelles. Pour y réussir, il leur faut être eux-mêmes à beaucoup d’égards des êtres tournés en arrière: en sorte qu’ils peuvent servir de pont, pour mener à des époques et des idées très lointaines, à des religions et à des civilisations mourantes ou mortes. Ils sont proprement toujours et nécessairement des Épigones. On peut, à parler franc, dire quelques choses défavorables de leurs moyens d’alléger la vie: ils corrigent et guérissent seulement en passant, seulement pour le moment; ils empêchent même l’homme de travailler à une amélioration véritable de son état, en supprimant et en déchargeant par des palliatifs la passion des inquiets, qui poussent à l’action.