Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[MA-252]

Le plaisir de connaître

Qu’est-ce qui fait que la connaissance, l’élément du chercheur et du philosophe, est liée à du plaisir? D’abord, avant tout, c’est qu’on y prend conscience de sa force, partant pour la même raison que les exercices gymnastiques, même sans spectateurs, donnent du plaisir. Secondement, c’est qu’au cours de la recherche, on dépasse d’anciennes conceptions et leurs représentants, on en est vainqueur ou du moins on croit l’être. Troisièmement, c’est que par une connaissance nouvelle, si minime qu’elle soit, nous nous élevons au-dessus de tous et nous nous sentons alors les seuls qui sachions la vérité sur ce point. Ces trois motifs de plaisir sont les plus importants, mais il y a encore, suivant la nature de l’homme qui cherche, beaucoup de motifs accessoires. — Une liste assez considérable de ces motifs est donnée, à un endroit où on ne la chercherait point, dans mon livre parénétique sur Schopenhauer : l’exposition qui en est faite peut contenter tout servant expérimenté de la connaissance, quoiqu’il puisse souhaiter d’effacer la teinte ironique qui semble répandue sur ces pages. Car s’il est vrai qu’à la production du savant « une foule d’instincts et de petits instincts très humains doivent avoir fourni leur matière », que le savant est d’un métal à la vérité très noble, mais non pur, et qu’il « se compose d’un entrelacement compliqué de mobiles et d’attraits fort divers »: cela est également vrai de la production et de l’être de l’artiste, du philosophe, du génie moral — et de toutes les autres grandes dénominations glorifiées dans ce livre. Tout ce qui est humain mérite, quant à son origine, la considération ironique; c’est pourquoi l’ironie est dans le monde si superflue.