Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[MA-WS-165]

Du principe de l’exécution musicale

Les exécutants d’aujourd’hui croient-ils donc vraiment que c’est le commandement suprême de leur art de donner à chaque morceau autant de haut-relief que possible et de lui faire parler à tout prix un langage dramatique? Appliqué, par exemple, à Mozart, n’est-ce pas là un véritable pêché contre l’esprit, l’esprit serein, ensoleillé, tendre et léger de Mozart, dont le sérieux est un sérieux bienveillant et non point un sérieux terrible, dont les images ne veulent pas sauter hors de leur cadre pour épouvanter et mettre en fuite celui qui les contemple? Ou bien vous imaginez-vous que la musique de Mozart s’identifie à la musique du « Festin de Pierre »? Et non seulement la musique de Mozart, mais toute espèce de musique? — Mais vous répondez que le plus grand effet parle en faveur de votre principe — et vous auriez raison si l’on ne vous répliquait pas par une autre question: sur qui a-t-on voulu faire de l’effet, et sur qui un artiste noble a-t-il seulement le droit de vouloir faire de l’effet? Jamais sur le peuple ! Jamais sur les êtres qui n’ont pas atteint leur maturité ! Jamais sur les êtres sensibles ! Jamais sur les êtres maladifs ! Mais avant tout: jamais sur les êtres émoussés !