Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[MA-WS-87]

Apprendre à bien écrire

Le temps où l’on parlait bien est passé, parce que l’époque de la civilisation des villes n’est plus. La dernière limite qu’Aristote traçait à une grande ville — le héraut devait pouvoir se faire entendre devant tous les citoyens assemblés, — cette limite nous est indifférente, de même que les communes urbaines, car nous voulons nous rendre intelligibles même au delà des peuples. C’est pourquoi chacun de ceux qui ont de bonnes idées européennes doit apprendre à écrire bien et de mieux en mieux: cela ne sert de rien qu’il soit né même en Allemagne, en Allemagne où l’on considère que c’est un privilège national de mal écrire. Mais mieux écrire signifie en même temps penser mieux; découvrir des choses qui sont de plus en plus dignes d’être communiquées et savoir vraiment les communiquer; être traduisible dans la langue des voisins; se rendre accessible à la compréhension de ces étrangers qui apprennent notre langue; faire en sorte que tout ce qui est bien devienne universel et que tout devienne libre pour les hommes libres; préparer enfin cet état de choses encore lointain où les bons Européens s’attelleront à leur tâche grandiose: la direction et la surveillance de la civilisation universelle sur la terre. — Celui qui prêche le contraire et qui ne se préoccupe pas de bien écrire et de bien lire — ces deux vertus grandissent et diminuent en même temps — celui-là indique en effet aux peuples la voie qui les fera devenir de plus en plus nationaux: il augmente la maladie de ce siècle et s’oppose en ennemi aux bons Européens, aux esprits libres.