Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[MA-28]

Termes décriés

À bas les termes, usés jusqu’au dégoût, d’Optimisme et de Pessimisme ! Car le motif de les employer manque de jour en jour davantage; aux seuls bavards aujourd’hui ils sont encore inévitablement nécessaires. Car pour quel motif au monde quelqu’un serait-il encore optimiste, s’il n’a plus à faire l’apologie d’un Dieu, qui doit avoir créé le meilleur des mondes, du moment qu’il est lui-même le bon et le parfait, — mais quel être pensant a besoin encore de l’hypothèse d’un Dieu? — Or, on n’a plus le moindre motif d’une profession de foi pessimiste, si l’on n’a pas intérêt à vexer les avocats de Dieu, les théologiens ou les philosophes théologisants et à exposer fortement l’affirmation contraire: que le mal gouverne, que la peine est plus grande que le plaisir, que le monde est un bousillage, l’apparition à la vie d’une méchante volonté. Mais qui s’inquiète encore aujourd’hui de théologiens — en dehors des théologiens? — Abstraction faite de toute théologie et de la guerre contre elle, il va de soi que le monde n’est pas bon et n’est pas mauvais, bien éloigné d’être le meilleur ou le pire, et que ces idées de « bon » et de « mauvais » n’ont de sens que, par rapport au sens des hommes, et là même peut-être, à la manière dont ils sont employés, d’ordinaire ne sont pas justifiés: la conception du monde injurieuse ou panégyriste est chose à laquelle il nous faut en tout cas renoncer.