Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[JGB-232]

La femme veut s’émanciper: et à cause de cela elle se met...

La femme veut s’émanciper: et à cause de cela elle se met à éclairer l’homme sur « la femme en soi ». — C’est là un des progrès les plus déplorables de l’enlaidissement général de l’Europe. Car que peuvent produire ces gauches essais d’érudition féminine et de dépouillement de soi ! La femme a tant de motifs d’être pudique. Elle cache tant de choses pédantes, superficielles, scolastiques, tant de présomption mesquine, de petitesse immodeste et effrénée, — qu’on examine seulement ses rapports avec les enfants ! — C’est au fond la crainte de l’homme qui jusqu’ici a retenu et réprimé tout cela. Malheur à nous si jamais les qualités « éternellement ennuyeuses de la femme » — dont elle est si riche — osent se donner carrière ! si la femme commence à désapprendre foncièrement et par principe sa perspicacité et son art, celui de la grâce et du jeu, l’art de chasser les soucis, d’alléger les peines et de les prendre à la légère, son habileté délicate pour les passions agréables ! Déjà se font entendre des voix féminines, qui, par saint Aristophane ! font frémir. On explique avec une clarté médicale ce que la femme veut en premier et en dernier lieu de l’homme. N’est-ce pas une preuve de suprême mauvais goût que cette furie de la femme à vouloir devenir scientifique ! Jusqu’à présent, Dieu merci, l’explication était l’affaire des hommes, un don masculin — on restait ainsi « entre soi »; il faut d’ailleurs être très méfiant au sujet de ce que les femmes écrivent sur « la femme » et se demander si la femme veut vraiment un éclaircissement sur elle-même — et peut le vouloir… Si la femme ne cherche pas ainsi une nouvelle parure — je crois que la parure fait partie de l’éternel féminin — eh bien ! alors elle veut se faire craindre, c’est peut-être pour elle un moyen de dominer. Mais elle ne veut pas la vérité. Qu’importe la vérité à la femme? Rien n’est dès l’origine plus étranger, plus antipathique, plus odieux à la femme que la vérité. Son grand art est le mensonge, sa plus haute préoccupation est l’apparence et la beauté. Avouons-le, nous autres hommes, nous honorons et aimons précisément cet art et cet instinct chez la femme, nous qui avons la tâche difficile et qui nous unissons volontiers, pour notre soulagement, à des êtres dont les mains, les regards, les tendres folies font apparaître presque comme des erreurs notre gravité, notre profondeur. Enfin je pose la question: jamais une femme a-t-elle accordé la profondeur à un cerveau de femme, à un cœur de femme la justice? Et n’est-il pas vrai que, tout compte fait, « la femme » a surtout été mésestimée par les femmes et non par nous? — Nous autres hommes, nous souhaitons que la femme ne continue pas à se compromettre par des éclaircissements. Car c’était affaire de l’homme de veiller à la femme et de la ménager, quand l’Église décrétait: mulier taceat in ecclesia. C’était pour le bien de la femme que Napoléon donna à entendre à la trop diserte Madame de Staël: mulier taceat in politicis ! — et je crois qu’un véritable ami des femmes est celui qui crie aujourd’hui aux femmes: mulier taceat de muliere !