[JGB-259]
S’abstenir réciproquement de froissements, de violences,...
S’abstenir réciproquement de froissements, de violences, d’exploitations, coordonner sa volonté à celle des autres: cela peut, entre individus, passer pour être de bon ton, mais seulement à un point de vue grossier, et lorsque l’on est en présence de condition favorable (c’est-à-dire qu’il y a effectivement conformité de forces à l’intérieur d’un corps, et que les valeurs s’accordent et se complètent réciproquement). Mais dès que l’on pousse plus loin ce principe, dès que l’on essaye d’en faire même le principe fondamental de la société, on s’aperçoit qu’il s’affirme pour ce qu’il est véritablement: volonté de nier la vie, principe de décomposition et de déclin. Il faut ici penser profondément et aller jusqu’au fond des choses, en se gardant de toute faiblesse sentimentale. La vie elle-même est essentiellement appropriation, agression, assujettissement de ce qui est étranger et plus faible, oppression, dureté, imposition de ses propres formes, incorporation, et, tout au moins exploitation. Mais pourquoi employer toujours des mots auxquels fut attaché, de tout temps, un sens calomnieux? Ce corps social, dans le sein duquel, comme il a été indiqué plus haut, les unités se traitent en égales — c’est le cas dans toute aristocratie saine —, ce corps, s’il est lui-même un corps vivant et non pas un organisme qui se désagrège, doit agir lui-même, à l’égard des autres corps, exactement comme n’agiraient pas, les unes à l’égard des autres, ses propres unités. Il devra être la volonté de puissance incarnée, il voudra grandir, s’étendre, attirer à lui, arriver à la prépondérance, — non par un motif moral ou immoral, mais parce qu’il vit et que la vie est précisément volonté de puissance. — Admettons que, comme théorie, ceci soit une nouveauté, en réalité c’est le fait primitif qui sert de base à toute histoire. Qu’on soit donc assez loyal envers soi-même pour se l’avouer ! —