Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[MA-105]

La justice rétributive

Qui a pleinement saisi la théorie de l’irresponsabilité complète ne peut plus ranger sous la catégorie de justice ce que l’on appelle justice des peines et des récompenses: à supposer que la justice consiste à donner à chacun ce qui lui appartient. Car celui qui est puni ne mérite pas la punition; il est seulement employé comme un moyen de détourner dorénavant de certains actes par la terreur; de même celui que l’on récompense ne mérite pas la récompense: le fait est qu’il ne pouvait pas agir autrement qu’il n’a agi. Ainsi la récompense n’a d’autre sens que celui d’un encouragement pour lui et pour d’autres, afin de fournir un motif d’actions futures; l’éloge s’accorde à celui qui court dans la carrière, non à celui qui est au but. Ni peine ni récompense ne sont choses qui reviennent à chacun comme lui appartenant; elles lui sont données par des raisons d’utilité, sans qu’il ait à y prétendre avec justice. Il faut aussi bien dire: « Le sage ne récompense pas parce qu’il a été bien agi », que l’on a dit: « Le sage ne punit pas parce qu’il a été mal agi, mais pour qu’il ne soit plus mal agi. » Si peine et récompense disparaissaient, il disparaîtrait aussi les motifs les plus puissants qui détournent de certains actes, conduisent à certains actes; l’utilité des hommes en exige le maintien; et étant donné que peine et récompense, que blâme et éloge agissent de la manière la plus sensible sur la vanité, cette même utilité exige aussi le maintien de la vanité.