Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[MA-169]

Origine du comique

Si l’on considère que l’homme, durant bien des cent mille années, fut un animal accessible à la crainte au suprême degré, et que tout ce qui est soudain, inattendu, lui commandait d’être prêt à combattre, peut-être prêt à mourir, que même plus tard encore, en état de société, toute la sécurité reposait sur l’attendu, sur la tradition dans la pensée et l’activité, on ne peut pas s’étonner qu’en présence de toute chose soudaine, inattendue en parole et en action, quand elle se produit sans danger ni dommage, l’homme soit soulagé, passe à l’opposé de la crainte: l’être tremblant d’angoisse, ramassé sur lui-même, se détend, se déploie à l’aise, — l’homme rit. C’est ce passage d’une angoisse momentanée à une gaîté de courte durée qu’on nomme le comique. Au contraire, dans le phénomène du tragique, l’homme passe rapidement d’une grande gaîté durable à une grande angoisse; mais comme parmi les mortels la grande gaîté durable est bien plus rare que le motif d’angoisse, il y a aussi beaucoup plus de comique que de tragique dans le monde; on rit bien plus souvent que l’on n’est ému.