Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[MA-49]

Bienveillance

Parmi les petites choses, mais infiniment fréquentes et par là très efficaces, auxquelles la science doit donner plus d’attention qu’aux grandes choses rares, il faut compter la bienveillance; j’entends ces manifestations de dispositions amicales dans les relations, ce sourire de l’œil, ces poignées de main, cette bonne humeur, dont pour l’ordinaire presque tous les actes humains sont enveloppés. Tout professeur, tout fonctionnaire fait cette addition à ce qui est un devoir pour lui; c’est la forme d’activité constante de l’humanité, c’est comme les ondes de sa lumière, dans lesquelles tout se développe; particulièrement dans le cercle le plus étroit, à l’intérieur de la famille, la vie ne verdoie et ne fleurit que par cette bienveillance, La cordialité, l’affabilité, la politesse de cœur sont des dérivations toujours jaillissantes de l’instinct altruiste et ont contribué bien plus puissamment à la civilisation que ces manifestations beaucoup plus fameuses du même instinct que l’on appelle sympathie, miséricorde et sacrifice. Mais on a coutume de les estimer peu: et le fait est qu’il n’y entre pas beaucoup d’altruisme. La somme de ces doses minimes n’en est pas moins considérable, leur force totale constitue une des forces les plus fortes. — De même, on trouvera bien plus de bonheur dans le monde que n’en voient des yeux sombres: je veux dire si l’on fait bien son compte, et si seulement on n’oublie pas ces moments de bonne humeur dont toute journée est riche dans toute vie humaine, même dans la plus tourmentée.