Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[MA-53]

Prétendu degré de vérité

Une des erreurs de logique les plus ordinaires est celle-ci: quelqu’un est envers nous véridique et sincère, donc il dit la vérité. C’est ainsi que l’enfant croit aux jugements de ses parents, le chrétien aux affirmations du fondateur de l’Église. De même on ne veut pas accorder que tout ce que les hommes ont défendu, dans les siècles passés, au prix de leur bonheur et de leur vie, n’était que des erreurs: tout au plus dira-t-on que ç’a été des degrés de la vérité. Mais au fond, on pense que, si quelqu’un a cru honnêtement à quelque chose, a combattu et est mort pour sa foi, il serait par trop injuste qu’une pure erreur l’eût véritablement animé. Un tel phénomène paraît en contradiction avec la justice éternelle; c’est pourquoi le cœur des hommes sensibles se reprend toujours à énoncer contre leur tête cette proposition: qu’entre les actions morales et la clairvoyance intellectuelle il faut qu’il y ait un lien nécessaire. Il en est par malheur autrement; car il n’y a point de justice éternelle.