Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[MA-56]

Victoire de la connaissance sur le mal radical

Il y a pour celui qui veut devenir sage un riche profit à avoir eu pendant un certain temps la conception de l’homme foncièrement mauvais et corrompu: elle est fausse, comme la conception opposée, mais durant des périodes entières elle a été dominante, et les racines en ont poussé des rameaux jusqu’en nous et dans notre monde. Pour nous comprendre, il nous faut la comprendre; mais, pour monter ensuite plus haut, il faut que nous l’ayons surmontée. Nous reconnaissons alors qu’il n’y a pas de péchés au sens métaphysique; mais que, dans le même sens, il n’y a pas non plus de vertus; que tout ce domaine d’idées morales est continuellement flottant, qu’il y a des conceptions plus élevées et plus basses du bien et du mal, du moral et de l’immoral. Qui ne demande aux choses rien de plus que de les connaître arrive aisément à vivre en paix avec son âme, et c’est tout au plus par ignorance, mais difficilement par concupiscence. qu’il errera (qu’il péchera, comme dit le monde). Il ne voudra plus excommunier et extirper les appétits; mais son but unique, qui le domine entièrement, de connaître à tout moment aussi bien que possible, lui donnera du sang-froid et adoucira tout ce qu’il y a de sauvage dans sa nature. En outre, il s’est affranchi d’une foule d’idées torturantes, il n’est plus impressionné des mots de peines de l’enfer, d’état de péché, d’incapacité du bien: il n’y reconnaît que les ombres évanouissantes de conceptions du monde et de la vie qui sont fausses.