Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[MA-VM-88]

Il est indifférent comment on meurt

Toute la façon dont un homme pense à la mort, à l’apogée de sa vie et durant qu’il possède la plénitude de sa force, est très parlante et significative pour ce que l’on appelle son caractère; mais l’heure de sa mort par elle-même, son attitude sur le lit d’agonie, n’entrent presque pas en ligne de compte. L’épuisement de la vie qui décline, surtout quand ce sont des vieilles gens qui meurent, l’alimentation irrégulière et insuffisante du cerveau pendant cette dernière époque, ce qu’il y a parfois de très violent dans les douleurs, la nouveauté de cet état maladif dont on n’a pas encore l’expérience, et trop fréquemment un accès de crainte, un retour à des impulsions superstitieuses, comme si la mort avait une grande importance et s’il fallait franchir des ponts d’espèce,épouvantable, — tout cela ne permet pas d’utiliser la mort comme un témoignage concernant la vie. Aussi n’est-il point vrai que, d’une façon générale, le mourant soit plus loyal que le vivant: au contraire, presque chacun est poussé par l’attitude solennelle de son entourage, les effusions sentimentales, les larmes contenues ou répanduest à une comédie de vanité, tantôt consciente, tantôt inconsciente. Le profond sérieux que l’on met à traiter chaque mourant a certainement été, pour bien des pauvres diables, méprisés durant toute leur vie, la jouissance la plus subtile, une espèce de compensation et d’acompte pour bien des privations.