Facta Ficta

vitam impendere vero

Nietzsche thinking

[MA-VM-89]

Les mœurs et leurs victimes

L’origine des mœurs doit être ramenée, à deux idées: « la communauté a plus de valeur que l’individu », et « il faut préférer l’avantage durable à l’avantage passager »; d’où il faut conclure que l’on doit placer, d’une façon absolue, l’avantage durable de la communauté avant l’avantage de l’individu, surtout avant son bien-être momentané, mais aussi avant son avantage durable et même avant sa persistance dans l’être. Soit donc qu’un individu souffre d’une institution qui profite tà la totalité, soit que cette institution le force à s’étioler ou même qu’il en meure, peu importe, — la coutume doit être conservée, il faut que le sacrifice soit porté. Mais un pareil sentiment ne prend naissance que chez ceux qui ne sont pas la victime, — car celle-ci fait valoir, dans son propre cas, que l’individu peut-être d’une valeur supérieure au nombre, et de même que la jouissance du présentée moment dans le paradis, pourraient être estimés supérieurs à la faible persistance d’états sans douleur et de conditions de bien-être. La philosophie de la victime se fait cependant toujours entendre trop tard, on s’en tient donc aux mœurs et à la moralité: la moralité n’étant que le sentiment que l’on a de l’ensemble des coutumes, sous l’égide desquelles on vit et l’on a été élevé — élevé, non en tant qu’individu, mais comme membre d’un tout, comme chiffre d’une majorité. — C’est ainsi qu’il arrive sans cesse qu’un individu se majore lui-même au moyen de sa moralité.