[JGB-193]
Quidquid luce fuit, tenebris agit: mais aussi inversement
Quidquid luce fuit, tenebris agit: mais aussi inversement. Ce que nous éprouvons en rêve, en supposant que nous l’éprouvions souvent, appartient, en fin de compte, aussi bien au cours général de notre âme que si c’était quelque chose de « réellement » vécu. Grâce à notre rêve, nous sommes plus riches ou plus pauvres, nous possédons un besoin de plus ou de moins, et, finalement, en plein jour, et même dans les moments les plus lucides de notre esprit, à l’état de veille, nous sommes un peu gouvernés par les habitudes de nos rêves. Supposé que quelqu’un ait souvent volé dans ses rêves, que, dès qu’il rêve, il ait conscience de sa capacité de voler comme d’un privilège et aussi comme d’un bonheur personnel très enviable: il croira pouvoir réaliser, par la plus légère impulsion, toute sorte de courbes et de détours, il connaîtra la sensation d’une certaine légèreté divine, d’un « en haut » sans contrainte ni tension, d’un « en bas » sans relâchement ni abaissement — sans lourdeur ! — Comment l’homme d’une pareille expérience, d’une telle habitude dans le rêve, ne finirait-il pas par trouver le mot « bonheur » autrement coloré et précisé lorsqu’il s’en servira à l’état de veille ! Comment n’aspirerait-il pas autrement au bonheur? « L’essor », comme le décrivent les poètes, comparé à ce « vol », sera pour lui, devra être, pour lui, trop terrestre, trop musculaire, trop violent, trop « lourd ».