[MA-266]
Appréciation trop basse de l’éducation du lycée
On cherche rarement l’importance du lycée dans les choses qui y sont réellement apprises et que l’on en emporte sans pouvoir les perdre, mais plutôt dans celles que l’on y enseigne et que l’écolier ne s’approprie qu’à contre-cœur, pour s’en débarrasser, dès qu’il le peut, d’une secousse. La lecture des classiques — comme l’accordera tout esprit cultivé — est, telle qu’elle est pratiquée partout, un procédé monstrueux: elle se fait devant des jeunes gens qui à aucun égard ne sont mûrs pour elle, par des maîtres dont chaque parole, dont souvent l’aspect seul met une couche dépoussiéré sur un bon auteur. Mais voici où réside l’utilité que d’ordinaire on méconnaît — c’est que ces maîtres parlent la langue abstraite de la haute culture, lourde et difficile à comprendre, mais qui est une gymnastique supérieure du cerveau; c’est que dans leur langage apparaissent continuellcment des idées, des expressions, des méthodes, des allusions que les jeunes gens n’entendent presque jamais dans la conversation de leurs parents et dans la rue. Quand les écoliers ne feraient qu’entendre, leur intelligence subit bon gré mal gré une formation préalable à une manière de concevoir scientifique. Il n’est pas possible que de cette discipline on sorte ayant complètement échappé au contact de l’abstraction, en pur enfant de la nature.